Je choisis bien souvent de poster ici et sur les réseaux sociaux des photos de voyage qui reflètent essentiellement la joie et le bonheur. L’expatriation a pourtant une face cachée, parfois difficile à vivre : l’éloignement. Vivre loin des siens crée de multiples sentiments, avec lesquels il faut savoir jongler, et apprendre à avancer. C’est souvent confus, les émotions se mélangent et il m’a fallu du temps pour y voir plus clair. Aujourd’hui, je me pose encore beaucoup trop de questions, mais j’ai le sentiment de profiter pleinement, avec le coeur plus léger qu’il y a 3 ans !
L’ivresse du départ
Enfant, je rêvais des Etats-Unis. Pour autant, je ne m’imaginais pas vivre loin de ma famille. Ce n’était absolument pas logique, mais à 10 ans on pense davantage avec son coeur qu’avec sa tête.
L’idée a germé et sans que je n’y sois réellement pour quelque chose, je me suis retrouvée à l’autre bout de la terre. J’ai suivi avec euphorie celui qui deviendrait alors mon mari dans cette aventure. A l’époque, convaincue que la réflexion m’amenait à créer des barrières, je repoussai mes craintes et me lançai tête baissée dans l’aventure (j’avais toujours 10 ans dans ma tête à ce moment-là).
J’ai bien pensé quelques fois au manque de nos proches auquel nous allions devoir faire face mais l’excitation du départ, de l’inconnu et d’une nouvelle vie prenait le dessus.
Le manque
Rapidement pourtant, le manque des proches s’est fait ressentir. Aujourd’hui encore ils me manquent. L’éloignement reste difficile à gérer, même après plus de trois années aux Etats-Unis. Mon petit frère, installé à La Rochelle pour ses études, me répète souvent qu’il ne pourrait concevoir de vivre éloigné de nos proches des années durant. Instinctivement, j’essaie de le convaincre du contraire, de lui exposer les raisons de notre expatriation. Je me sens coupable d’être partie. Mais au fond de moi, rien ne paraît justifier cet éloignement. Pas même un rêve d’enfant qui se réalise.
Et pourtant, j’ai choisi de vivre loin de la France, dans un pays étranger au mien, où je n’avais alors aucune racine. J’aime la vie d’expatrié et je ne la regrette pas, même si ce n’est pas tous les jours facile. J’ignore combien de temps encore nous vivrons ici. Notre visa actuel se termine dans trois ans et nous aimerions obtenir la carte verte. Nous vivons au jour le jour, en ayant conscience que si demain Rémy perd son travail, nous rentrons… Mais cette incertitude, le fait de ne pas savoir où nous serons dans 3, 5 ou 10 ans, rend aussi l’éloignement plus simple à gérer. Aujourd’hui, je ne peux pas voir ma famille quand j’en ai envie mais je serai peut-être amenée, par la force des choses ou bien par choix aussi, à rentrer en France dans quelques années. A ce moment-là, je serai heureuse d’avoir profité quand l’opportunité m’en était donnée, d’avoir vécu une si jolie expérience. Notre expatriation est une décision qui ne sera pas nécessairement éternelle. Tout peut changer demain, si tel est notre désir. Et cette liberté de choix me rassure.
Le manque sera toujours là mais il ne se passe pas un seul jour sans que je n’ai de contact avec ma famille. Ma maman s’est créé un compte Facebook pour que l’on puisse facilement se parler. Nous avons une ligne fixe uniquement pour que nos proches puissent nous appeler. Et, il m’arrive de passer des après-midi entiers au téléphone avec mon frère et mes soeurs. On s’est rapidement fait au décalage horaire qui a parfois du bon. Je peux souhaiter une bonne journée à mes proches qui se lèvent tôt le matin quand je vais me coucher. Et si je suis malade la nuit et qu’il m’est impossible de dormir, j’ai quelqu’un avec qui papoter en France. Et quel plaisir quand la famille nous rend visite !
La culpabilité
Mais au fond de moi, même si avec Rémy nous vivons une belle aventure, je culpabilise parfois encore d’imposer cet éloignement à mes proches. Je sais qu’en cas de malheur, il me faut du temps pour être auprès d’eux. Les choses sont plus compliquées quand on a un océan à traverser, et que tout ne dépend pas uniquement de notre volonté. Chaque appel que je reçois en pleine nuit me fait peur. Je sais qu’il ne peut s’agir d’une bonne nouvelle. Je décroche le téléphone la boule au ventre.
L’année qui a suivi notre départ était très dure. J’ai versé bien plus de larmes en une année qu’en 24 ans. J’ai vécu, avec Rémy à mes côtés, la maladie puis la perte de deux de mes proches que j’aimais si fort que je ne pouvais imaginer ma vie sans eux. Naïvement, je pensais qu’ils seraient toujours là. Je les imaginais à mes côtés à chaque retour en France et mon coeur refusait d’admettre qu’un jour ils me quitteraient. Quand ils sont partis, j’ai tout simplement perdu mes repères. Le deuil à distance est quelque chose de très difficile, qu’on refuse de prendre en compte lors de l’expatriation. On ferme les yeux en se disant que tout se passera bien. Mais tout ne se passe pas bien et on ne peut malheureusement pas se préparer au pire. Quand il arrive, il faut non seulement gérer sa peine mais aussi tous ces à-côtés futiles mais inévitables comme le retour en France en urgence. On se demande si on pourra se permettre le prix d’un retour de dernière minute, si on pourra modifier la date de notre prochain vol, si notre conjoint pourra nous accompagner… Des questions qui ne devraient pas se poser mais qui sont là. Le deuil se fait loin des proches. On est parfois tenté de leur cacher nos peines pour ne pas les inquiéter. La question de l’éloignement se pose davantage lors des moments tristes. On remet en question nos choix. On culpabilise énormément de délaisser les personnes qu’on aime.
La solitude
Chaque expatriation est différente. L’expérience n’est pas la même pour tous. Il n’est pas toujours facile d’être 100% honnête sur la situation. Quand on en discute avec notre entourage, on se concentre davantage sur le côté positif que négatif. Sauf que tout n’est pas toujours comme on l’avait imaginé. Et quand la réalité ne colle pas à nos attentes, on préfère se taire et ne raconter que les bons moments.
Même si je ne regrette pas notre départ aux USA, j’ai eu des moments difficiles aussi, j’en ai encore et c’est normal. Mais quand on vit loin des siens par choix, on a ce sentiment de ne pas avoir le droit de se plaindre. Cette situation qu’on a pleinement souhaitée, on doit maintenant l’assumer. On a pas vraiment envie de se plaindre alors qu’on réalise un rêve d’enfant.
Mais il y a aussi ces moments d’euphorie, ceux où l’on vit des choses qu’on aurait jamais vécu en restant près des nôtres. On aurait envie de partager ces moments-là avec eux, mais les mots et les photos ne suffisent pas. Parfois on culpabilise aussi d’être trop heureux. On se sent égoïste.
Persister & Profiter
Après avoir vécu, successivement et parfois simultanément, ces quelques phases je vis aujourd’hui notre expatriation le coeur léger. Ne vous méprenez pas, ce changement de vie m’a toujours plu. Si j’ai évoqué ces sentiments ici, c’est parce qu’ils font partie intégrante de cette fabuleuse expérience. Je ne peux les ignorer. Comme dans toute situation, rien n’est parfait. Il y a de jolis instants mais aussi des passages difficiles. Mes proches me manqueront toujours. Chaque retour en France a sa dose de joie et d’excitation. Ce sont des instants doux et précieux dont on profite chaque fois pleinement. On se crée des souvenirs qui nous permettront de patienter jusqu’aux prochaines retrouvailles.
Mais nous avons cette chance inouïe de découvrir un autre pays, une autre culture et de voyager. Nous vivons des moments qui resteront gravés dans notre mémoire et que je me vois déjà raconter à nos petits-enfants. Ce départ a été pour moi l’occasion de réaliser mon rêve d’enfant, de voir le monde, de vivre des emotions fortes et de contempler des paysages grandioses. Plus de trois ans après notre arrivée nous profitons autant que possible, et qui sait, peut-être même qu’un jour nous poserons nos valises dans un autre pays…
Si vous êtes dans la même situation, ou si vous êtes déjà passés par là, n’hésitez pas à laisser un commentaire et à partager avec moi votre expérience !
A bientôt !
4 Comments
Comme je te comprends. Nous avons vécu la même chose il y a peu concernant un membre de ma belle famille. C’était très dur et les circonstance ont fait que mon mari n’a pas pu y aller. Cet éloignement je ne le vis pas mal au jour le jour mais quand quelque chose se passe on se le prend pleine tronche. Bref tout ça pour dire que ce n’est vraiment pas facile et que je comprends tout à fait ton sentiment.
Merci pour ton commentaire, et ton passage sur le blog 🙂Oui, c’est exactement ça ! Pas facile quand on ne peux pas y aller… On a pas le choix, et sur le coup c’est dur. Mais ça fait du bien d’en parler et de savoir qu’on n’est pas seul !
Comme je te comprends pour tous ces sentiments qui se bousculent en même temps, la joie de vivre pleinement cette aventure, mais aussi le fait de rater tellement de moments avec sa famille et ses amis et c’est vrai aussi, parfois culpabiliser de vivre dans un état ensoleillé où l’on découvre des paysages grandioses dès que l’on part en weekend.
2 mois après notre arrivé, j’ai perdu ma grand-mère, ce fut rude mais je ne concevais de ne pas être présente pour lui dire au-revoir. Mon conjoint n’a pas pu m’accompagner car il travaillait, mais je m’en serai voulu si je n’avais pas fait le voyage du retour.
L’expatriation a ses côtés positifs et parfois négatifs, mais j’essaie de ne prendre que le meilleur car on ne sait jamais combien de temps cela durera. Je suis comme toi, si jamais on pensait déménager, pourquoi ne pas choisir un autre pays étranger, mais plus près de la France 😉
Merci Tiphaine pour ta visite et tes commentaires 🙂 Meme si ma réponse arrive un peu tard…
Oh comme je te comprends, nous avons vécu une situation très similaire du coup. J’ai aussi perdu ma grand-mère, 4 mois après notre arrivée et heureusement aussi je suis rentrée pour lui dire au-revoir.
Ne prendre que le meilleur, c’est le mieux, tu as raison on a aussi beaucoup de chance de vivre cette expérience 🙂